Tuesday, February 14, 2012

Mais pourquoi la Grèce ?

Républication d'un article paru au blog du groupe Nouvelles hors les murs ici.
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Petit éventail des idées reçues et quelques brèves réponses, du groupe O de l’A.
  • Parce que la Grèce a un déficit public énorme.
Selon cette idée reçue, l’endettement de la Grèce serait dû à la nécessité de combler le déficit budgétaire créé par le déficit public. Rien de plus faux. Pour la décennie 2000-2009, la Grèce a emprunté la somme globale de 486 milliards d’euros. Pour la même période, elle a payé, au titre du remboursement de la dette publique, la somme de 450 milliards. Sur la totalité de cette somme, seuls 3,1% ont été utilisés pour couvrir le déficit public. Le reste a servi à rembourser la dette. Même en 2009, alors que le déficit public s’est élevé à 17,1 milliards, l’Etat grec a emprunté 85,2 milliards d’euros et n’a utilisé que 20% de ce montant pour éponger le trou dû au déficit public. Autrement dit, les crédits servent à rembourser la dette, et non pas à résorber le déficit.
  • Parce que la Grèce a une dette énorme.
Faux. Plusieurs points : Selon le rapport d’Eurostat publié fin avril 2010, la dette publique de la Grèce s’élevait à 115,1%, alors que celle de l’Italie s’établissait à 115.8%. Malgré ce fait, cette dernière a pu, après la publication de ce rapport, emprunter sur les marchés à des taux plus bas que celui de ses obligations arrivées à échéance, alors que l’Etat grec, ne pouvant plus emprunter sur les marchés à des taux raisonnables, adoptait 2 semaines plus tard, les conditions du mémorandum. Il faudrait, aussi, souligner ceci: s’agissant non pas de la dette publique (des Etats), mais de la dette
extérieure, qui inclue la dette publique, celle des ménages et celle des entreprises, celle de la Grèce est inférieure à la moyenne de celle de la zone euro. Fin 2009, selon un rapport présenté à la Banque of International Settlements par une membre du directoire du service statistique de la BCE, la dette extérieure s’élevait à 172% du PIB pour la Grèce, 191,2% pour la France, 312,3% pour les Pays- Bas, 985,3% pour l’Irlande, 4.326% pour le Luxembourg. Il convient d’ajouter que la Grèce, entre 1992 et 1997, donc avant l’euro, avait une dette publique de l’ordre de 117% avec un déficit de 8%
et un rythme annuel de remboursement supérieur à celui d’aujourd’hui. Pourtant, personne ne parlait de faillite à l’époque. Pour en finir, si le but des mesures d’austérité était de diminuer la dette, comment expliquer le fait que celle-ci ne cesse d’augmenter, et la prime de risque avec, en même temps que la récession qui touche la société grecque s’apparente à celle d’un pays en guerre ?

  • Parce que les Grecs ne travaillent pas assez.
Faux. Les données statistiques placent les Grecs sur la première marche du podium de ceux qui travaillent le plus, loin devant non seulement le reste des Européens mais aussi de tous les pays (à l’exception de la Corée) y mentionnés. Il suffit de se référer aux statistiques de l’OCDE pour se rendre compte des différences faramineuses quant au volume des heures de travail réalisées en moyenne en 2009 par travailleur (l’année qui précède le mémorandum) : 2.119h en Grèce, 1 554h en France, 1390 en Allemagne.
  • Parce que la productivité de leur travail est très faible.
Faux. Selon Eurostat, en 2009, juste avant l’enclenchement de l’attaque du capital, la productivité réelle de la main d’oeuvre grec par heure de travail était supérieure à celle de l’Europe de 15 (106,4 contre 101,7).
  • Parce que la Grèce a un service public surdimensionné.
Faux. Par rapport aux emplois du secteur public « la Grèce avait un des taux d’emploi public parmi les plus bas des pays de l’OCDE » en 2008, selon l’OCDE. La part de l’emploi public dans l’emploi total est de l’ordre de 12% (contre 22% pour la France), tandis que la part des emplois publics rapportée à la population est de 5% (9% en France). Quant aux dépenses affectées à la rémunération des emplois publics pour 2008, elles n’étaient pas loin de la moyenne, très légèrement supérieures, avec 11,5% du PIB (12,5% pour la France).
  • Parce que l’évasion fiscale est le sport national.
Faux. Le coût de l’évasion fiscale a récemment été estimé à hauteur de 10-13 milliards d’euros annuellement, soit 5-6% du PIB actuel. Est-ce que ceci justifie la férocité des mesures d’austérité qui sont en train de détruire la société, tout en réussissant à accroître l’ évasion fiscale ? Et quid des exemptions fiscales ? De la diminution du taux d’imposition (de 24% à 20%) des bénéfices cumulés non distribués des entreprises en 2010, en pleine crise ? De la rentabilité bien supérieure (35% du PIB) des entreprises grecques vis-à-vis de la moyenne de celle des entreprises de la zone euro (30% du PIB), selon la Banque de Grèce ? Des armateurs grecs dont le taux d’imposition de 0% est inscrit dans la Constitution ? De ces 200 milliards d’euros qui sont sortis de la Grèce fin 2009 pour spéculer sur des produits étrangers ? Et, surtout, du fait que l’Etat grec a payé entre 1973 et 2009 640 milliards d’euros au titre d’une dette révisable de 300 milliards (avec, donc, un rendement pour les créanciers de l’ordre de 215% !) ?
En Grèce, les impôts indirects ont une place prépondérante, beaucoup plus importante que les impôts directs. Et finalement, qui paie l’impôt sur le revenu ? Son poids repose sur les épaules des salariés et des retraités. Selon un bulletin de la Banque de Grèce publié en 2011, pour l’année 2009, la contribution des salariés et retraités au montant total des impôts directs (personnes physiques et morales réunies) s’est établie à 53%. En même temps, les commerçants, industriels et fabricants ont vu leur contribution s’élever à 7%. Les personnes morales n’ont participé qu’à hauteur de 31%.

Et bientôt :

Mais pourquoi la France ?

-A cause le la fraude sociale.
-A cause des 35h.
-Parce qu’il y a trop d’immigration etc. etc.

A lire également l’article La crise grecque au-delà de la mythologie.

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